Une boîte sur quatre roues. Lorsqu’elle est dévoilée au Salon automobile de Paris, en 1982, la Nissan Prairie se fait surtout remarquer par son allure à la fois minimaliste et non conventionnelle.
Pour beaucoup, il s’agit d’un modèle simplement exotique. En une décennie, les marques japonaises sont parvenues à prendre pied sur les marchés européen et américain avec des modèles relativement classiques, voire suivistes.
Au début des années 1980, elles veulent passer à la vitesse supérieure avec des modèles plus innovants, mais l’originalité dont il leur arrive de faire preuve n’est pas toujours bien comprise.
Les dehors un peu revêches de la Prairie et ses proportions inhabituelles (elle est presque aussi haute que large) dissimulent une voiture particulièrement créative. Elle n’est certes pas jolie mais sa longueur contenue à 4,09 mètres lui permet d’offrir un rapport habitabilité-encombrement imbattable.
Cette voiture, qui n’est pas une berline, pas davantage un break et plus tout à fait un van, privilégie la polyvalence, quitte à prendre des airs d’utilitaire. A ce titre, la Prairie apparaît comme l’un des premiers véhicules « conçus de l’intérieur vers l’extérieur », dessinés de manière à privilegier l’espace à bord. D’où son allure parallélépipédique, renforcée par l’adoption de formes géométriques et d’arêtes vives très en vogue à l’époque.
Haute (1,60 m), pourvue d’un hayon arrière enveloppant, avec un seuil de changement volontairement placé très bas, et intégrant les pare-chocs arrière, la Prairie se destine à une clientèle familiale plus intéressée par la praticité de sa voiture que par le regard que ses voisins porteront dessus.
A l’intérieur, on est frappé par le sentiment d’espace que renforce la luminosité, favorisée par l’importante surface vitrée. L’absence de « pied-milieu » (le montant central latéral de la carrosserie) impose defixer les ceintures avant dans la porte.
L’installation de portières arrière coulissantes, d’une banquette arrière repliable, de rangements sous les sièges et d’un plancher intégralement plat achèvent de faire basculer la Nissan dans une autre dimension, celle de la voiture fonctionnelle et moderne.
Conscients que leur nouveau modèle n’est pas d’une beauté à couper le souffle, ses concepteurs lui réservent une très riche dotation d’équipements de série.
Aujourd’hui d’une parfaite banalité, la présence d’une direction assistée, d’un autoradio (à cassettes) et d’un essuie-glace arrière ou encore la condamnation centralisée des portières et la possibilité de régler les rétroviseurs depuis l’intérieur font partie de la dotation de base. Ce qui n’a, alors, rien d’ordinaire.
Cette prodigalité permet aussi de justifier le tarif, assez élevé, du modèle. Éprouvée, la motorisation est du genre placide (un 1,8 litre essence développant 88 ch), mais le poids contenu (à peine plus d’une tonne) permet de relativiser ce point faible.
Une version à quatre roues motrices aura droit à une mécanique plus puissante. Un peu plus conventionnelle et plus performante, la deuxième génération sortie en 1988 arrondit les angles et arbore une face avant qui évoque le Shinkansen, le fameux train à grande vitesse japonais. Une réponse à la première génération de l’Espace qui avait beaucoup en commun avec le « nez » du TGV.
Le succès commercial de la Prairie se confirme, mais pas au point d’en faire un best-seller. Une variante sept places est disponible pour les familles nombreuses. Entre-temps, les concurrents japonais ont réagi et lancé des rivaux de la Prairie : le Honda Shuttle et le Mitsubishi Space Wagon, notamment.
Dévoilée en 1982 mais commercialisée deux ans plus tard, la Prairie s’est fait bruler la politesse. Elle incarne un genre d’automobiles qui sera rapidement désigné sous le vocable de monospace : Chrysler, avec le Voyager (1983), et Renault, avec l’Espace (1984), s’en disputent la paternité.
La Nissan, même si elle n’affichait pas une silhouette « monovolume », avait pourtant largement ouvert la voie. Présentée comme une voiture originale mais pas comme un nouveau concept, la trop pragmatique Prairie n’aura pas su se faire reconnaître comme la pionnière qu’elle fut.
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L’ ESSAI PRAIRIE de 1982