PAR Daniel Rufiange de AUTOFOCUS .
Dans le monde de la voiture ancienne, il y a des véhicules beaucoup plus communs que d’autres. Vous les présenter ne posera jamais problème. Là où le défi se pose pour nous, c’est dans la recherche de produits plus uniques, plus exclusifs, plus rares.
Et je ne parle pas ici que de Ferrari à tirage limité ou d’éditions spéciales de modèles bien connus. Je fais plutôt référence à des véhicules qui ont connu de belles carrières, mais qui ont soit été timidement commercialisés chez nous, soit laissés à eux-mêmes une fois leur vie utile terminée vu leur relative faible valeur.
En 1965, Datsun en était encore à ses premiers pas chez nous. Ses produits, bien qu’intéressants et différents, ne généraient pas le type d’attention qu’on leur connaît aujourd’hui.
En conséquence, la découverte de la camionnette vedette de ce reportage est un véritable miracle.
Premiers pas en Amérique
Datsun s’est pointé le nez sur le marché nord-américain à la fin des années 50. À l’époque où l’évaluation du succès d’un individu se faisait souvent en mesurant la taille de son automobile, ou du moins des ailerons de celle-ci. Nissan n’avait pas les produits capables de rivaliser avec ceux des constructeurs américains. D’ailleurs, son ambition n’était pas de révolutionner le marché d’ici.
Plutôt, elle était là pour lui apporter sa touche. On pourrait même dire qu’elle était là pour apprendre, comme les Russes en 1972.
Premières camionnettes
La première camionnette portant le nom Datsun apparaît en 1934 avec le Model 13. La compagnie va produire cette dernière jusqu’en décembre 1943, moment où la production cesse au Japon en raison de la guerre. Elle va reprendre en juillet 1946, 11 mois après les désastres de Hiroshima et de Nagasaki, et va se poursuivre jusqu’en 1954. Au cours de ces années, une foule de variantes vont se succéder (six, en fait) jusqu’à ce que Datsun présente la camionnette appelée à la remplacer, la 120.
Premières camionnettes aux États-Unis
Cette Datsun 120 se voulait une grande évolution, mais, en comparaison avec ce qui se vendait en Amérique, il est impossible de ne pas sourire lorsqu’on jette un coup d’œil à sa fiche technique. Elle était équipée d’un moteur 4-cylindres de 860cc qui offrait l’incroyable puissance de… 25 chevaux!
Sa capacité : un quart de tonne!
Il faudra attendre 1959 pour la voir débarquer en sol américain. À ce moment, elle était équipée d’un moteur plus puissant. En fait, en 1957, le modèle 220 était introduit et pouvait être servi par deux mécaniques. L’une faisait 880cc, l’autre 1198cc. La première offrait une puissance de 37 chevaux; la deuxième, 48.
Les consommateurs américains auront droit aux versions équipées du plus petit moteur, mais rapidement, recevront des versions gâtées du deuxième.
Bien que toute comparaison avec les camionnettes pleine grandeur alors offerte par les constructeurs américains eût été boiteuse, l’offre de Datsun avait quand même fait jaser.
D’abord, la compagnie introduisait un tout nouveau type de véhicule au public américain, soit la camionnette compacte. Cette dernière fait aujourd’hui partie de l’échiquier automobile, est-il nécessaire de le rappeler. Puis, pour ceux qui aimaient la différence, elle proposait quelque chose de nouveau, de complètement kitch. Ça, c’est souvent gagnant. Ironiquement, regardez le succès que remporte Nissan avec son Juke; la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre.
La 220 s’est avérée très populaire auprès de paysagistes et de fermiers, mais aussi auprès des surfeurs. On aimait son format compact, la facilité qu’on avait à la garer partout et le fait qu’elle consommait très peu d’essence.
Sans surprise, on découvre que c’est en Californie qu’elle a été la mieux accueillie. Le premier modèle a été vendu à San Diego. Ray Lemke, le premier dépositaire officiel de Datsun aux États unis, a regretté sa vente lorsqu’il a appris qu’il devait attendre trois mois avant d’en obtenir un deuxième exemplaire. L’acheteur avait insisté pour mettre la main sur la première édition le jour même où il l’a vu arriver chez le concessionnaire.
La série 320
Rapidement, soit en 1961, la génération suivante du modèle est introduite en Amérique. Les améliorations étaient nombreuses. Par exemple, une suspension avant indépendante à poutre de torsion remplaçait l’essieu rigide des modèles précédant.
Une foule de variantes étaient proposées. Déjà, on semblait savoir que l’acheteur voulait du choix au niveau des configurations de la cabine et de la boîte. La capacité était d’une demi-tonne et le moteur passait à 1189cc et 60 chevaux. Vous le remarquerez sur les photos, c’est indiqué clairement et avec fierté sur les flancs.
Pour travailler avec ce moteur, une boîte manuelle à quatre rapports, non synchronisée, était d’office. Le rapport de pont arrière favorisait le décollage, mais sur l’autoroute, ça devenait plus périlleux au-delà de 100 km/h.
Autre temps, autres mœurs.
En 1965, ce modèle en était à ses derniers milles. Sa production cessera en avril, moment où son successeur, le modèle de la série 520, est introduit. C’est lui qui permettra à Datsun de s’implanter plus solidement dans le segment de la camionnette aux États-Unis.
N’empêche, le modèle de la série 320 lui avait pavé le chemin.
Notre Datsun L320 1965
C’est dans le cadre d’un événement tenu par Nissan dans la région de Nashville, au Tennessee, que nous avons eu l’occasion de découvrir ce bijou. Ce dernier appartient à la collection du Lane Motor Museum de Nashville et a été sorti de ce dernier pour la tenue de l’événement. Et, comme tous les véhicules de ce musée, il est en état de rouler.
On ne nous a pas priés longtemps pour en faire l’essai.
En grimpant à bord, la première chose qui nous frappe, ce sont les 50 ans qui nous séparent des modèles actuels. C’était tellement rudimentaire à l’époque. Un volant, des pédales, un levier de vitesse et quelques indicateurs. C’est tout.
Ça suffisait, semble-t-il.
Sur la route, une expérience de conduite aussi unique que mémorable. Agréable, aussi. La transmission manuelle à quatre vitesses demande bien sûr une soigneuse manipulation, spécialement pour l’enfilement du premier rapport; il faut être complètement arrêté. Passer la deuxième se fait facilement, mais pour la troisième, il faut aller porter le levier en haut, à droite, à l’autre bout du monde.
On s’exécute avec le sourire aux lèvres.
Quand vient le temps de freiner, il faut littéralement sauter sur la pédale de frein et y appliquer une très forte pression pour obtenir un résultat.
Oui, avec nos yeux de contemporains, tout ça semble archaïque. En même temps, on s’amuse tellement.
Quand on vous dit qu’il manque quelque chose aux voitures d’aujourd’hui…
Notre essai fut bref, mais suffisant pour comprendre à quel point ce véhicule a pu en séduire plus d’un à son arrivée en Amérique.
Et Nissan là-dedans? Disons qu’elle a fait du chemin. Beaucoup de chemin.
Conclusion
Il est toujours intéressant de découvrir des véhicules très rares. Le musée Lane Motor Museum de Nashville se spécialise dans la récolte de ces raretés automobiles. Si vous passez par là, une visite s’impose.
Quant à notre L320, il était d’autant plus intéressant de le découvrir du fait qu’il s’agit d’une rareté parmi les raretés. Nous l’expliquions, la production fut plus limitée pour ce modèle en 1965.
Malgré tout, nos chemins se sont croisés.
Nos pages en sont bénies.
Fiche technique
Marque : Datsun
Modèle : L320
Année : 1965
Production : quelques centaines pour les États-Unis.
Prix : entre 1500 $ et 2000 $ US
Moteur : 4 cylindres de 1,2 litre (1189cc)
Puissance : 60 chevaux @ 5000 tr/min
Couple : 67 livres-pieds @ 3600 tr/min
Poids : 945 kg
Transmission : manuelle à quatre rapports
Modèles similaires de 1965 : Chevrolet Corvair 95, Dodge A-100, Ford Econoline pick-up, Suzuki (Suzulight) Carry, Toyota Stout, Volkswagen Transporter
Daniel Rufiange